Le 23 septembre 2022, l’Association BBCA a lancé le label BBCA exploitation, première méthode de mesure et de valorisation exhaustive des pratiques bas carbone en matière d’exploitation.
Traditionnellement, en phase d’utilisation des bâtiments, la question de la réduction de leurs émissions de GES est uniquement abordée sous l’angle de l’énergie via les trajectoires fixées par le CRREM et le décret tertiaire. Or, l’Observatoire de l’Immobilier Durable (OID) a montré que les travaux de rénovations des immeubles représentaient 0,7 teqCO2/m² de plus que l’énergie. Et à celles-là, il faut rajouter le poids des émissions liées aux déchets, à la restauration, à la maintenance et aux transports.
Financé par Nexity et Gecina, ce label dont ELAN a piloté le comité technique, a mobilisé des acteurs diversifiés (Pouget Consultants, Artelia, Advenio et Sinteo) afin de dépasser la seule logique énergétique et d’englober tous les leviers d’émissions carbone.
Membre fondateur de l’association BBCA, Covivio a naturellement souhaité étudier la faisabilité de l’obtention du label BBCA Exploitation sur trois de ses actifs situés à Lyon, Paris et Levallois Perret. ELAN a été retenu en tant qu’AMO BBCA exploitation. Nous profitons de cette mission et de cet article pour illustrer la méthodologie BBCA exploitation et ses modalités de déploiement.
BBCA exploitation : une volonté unanime de réunir l’ensemble des parties prenantes liées à l’exploitation d’un actif autour de sa transition bas-carbone
Le label BBCA atteste de l’exemplarité d’un bâtiment en matière d’empreinte carbone. Il s’applique aux bâtiments neufs, rénovés ou en exploitation. Mais dans cette dernière situation, la remontée d’informations, dans un écosystème qui regroupe de multiples parties prenantes (propriétaires, gestionnaires, mainteneurs, locataires et leurs occupants) pose une difficulté majeure. L’intérêt du BBCA exploitation est alors de démontrer les responsabilités de chacun des acteurs impliqués tout en les associant dans une démarche collégiale de transition bas-carbone.
En effet, le label permet, dans une logique d’amélioration continue, de fournir des ordres de grandeur des émissions carbones de l’exploitation du bâtiment puis d’encourager la mise en place d’actions et de bonnes pratiques valorisables en émissions GES évitées.
Par exemple, au-delà des dispositifs d’amélioration de la performance énergétique ou de maintenance optimisée, l’une des révolutions du label est l’intégration de l’impact significatif des rénovations légères. Plus souvent réalisées pour rafraichir les espaces occupés qu’en raison de réels problèmes fonctionnels ou structurels, elles sont une source d’émissions de GES non négligeable. C’est pour cela que le label sanctionne notamment la dépose prématurée de matériaux.
Dans la continuité, en questionnant également le comportement des utilisateurs, le label promeut l’innovation pour le climat en valorisant le recours à des prestations de services et maintenance bas-carbone, l’intensification des usages, les pratiques de mobilité durable, la réduction puis la bonne gestion des déchets.
La méthode BBCA Exploitation est applicable pour les actifs de bureaux et de collectifs résidentiels pour une durée de 3 ans renouvelable. Elle devrait s’appliquer aux bâtiments hôteliers à partir de 2024. Le label repose sur quatre piliers :
Energie Maîtrisée : consommations d’énergie et fluides frigorigènes.
Travaux raisonnés : rénovations légères, rafraichissements et entretien/maintenance
Facility Management optimisé : déplacements des prestataires
Innovation Climat : mobilité durable, intensification des usages…
Périmètre du label BBCA exploitation
Les deux premiers piliers sont associés à des seuils de performance carbone à respecter et les deux suivants ont pour objet de mesurer les émissions et valoriser les bonnes pratiques, sans forcément être associés à un objectif de performance.
Label BBCA : concrétiser la théorie avec Covivio
Elan accompagne actuellement Covivio afin d’évaluer la performance bas carbone de trois actifs de bureau allant de 5 600 m² à 12 000 m² en vue de l’obtention du label BBCA Exploitation.
Pour y parvenir, la première étape a été de vérifier que ces bâtiments respectaient les prérequis du label :
Posséder des données réelles pour à minima 80% de la surface utile
Avoir à minima un an d'exploitation
Avoir des données de consommations énergétiques (parties privatives et communes) couvrant 12 mois glissants
Réaliser un inventaire des matériaux et équipements du bâtiment
Données d’entrées nécessaires au label BBCA exploitation
ENERGIE MAITRISEE
Pour cette première étape de faisabilité, nous nous assurons que, pour chaque actif, le seuil « Energie maitrisée », intégrant les émissions liées à l’énergie et aux fluides frigorigènes, est respecté. Pour cela, le label BBCA exploitation offre deux possibilités :
Soit les émissions annuelles de l’actif sont égales ou inférieures aux seuils fixés par le label (ex : max 10 kgCO2/m².an en IDF) et l’actif peut prétendre au label sur ce volet. Pour rappel les seuils max sont modulés en fonction de la zone géographique de l’actif comme dans le cadre du décret tertiaire.
Soit l’actif n’atteint pas le seuil mais souhaite s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue dite « Engagement », et le propriétaire s’engage à réduire progressivement les émissions annuelles jusqu’à atteindre, au bout de 9 ans, le seuil fixé par le label ; ou à réaliser une réduction de -50%. Il doit y associer un plan de progrès qui démontre les efforts prévus pour y parvenir.
Pour les actifs Covivio, un actif sur les trois respecte le seuil Ic E+F. Les deux autres actifs pourront s’inscrire dans la démarche « Engagement » du label et devrons présenter un plan d’action dans une logique d’amélioration continue.
Performance Energie IC E+F des bâtiments Covivio
IMPACT TRAVAUX
Pour ce second pilier, il s’agit de mesurer l’impact des travaux des rénovations légères réalisées sur les actifs de Covivio au cours des trois dernières années. Pour ce faire, plusieurs impacts GES sont pris en compte. D’une part, celui des produits neufs utilisés, sachant que tout produit issu du réemploi est comptabilisé à zéro. Et d’autre part, celui des produits déposés, dont la durée de vie n’a pas encore été amortie et pour lesquels nous prenons en compte l’impact des années de vie résiduelles.
Pour évaluer cette durée de vie résiduelle des produits déposés et le potentiel de réemploi in situ, nous demandons ou réalisons un inventaire des matériaux et équipements du bâtiment sur les lots concernés par les rénovations légères. C’est en effet, une évaluation visuelle de la qualité des matériaux (parfait état, bon état, état moyen, état médiocre, hors d’usage) qui permettra le calcul de la durée de vie résiduelle.
En additionnant les produits de constructions et équipements amortis et non amortis sur les 3 ans du cycle du label, on obtient un indicateur IC travaux qui doit être inférieur à un IC Travaux max définis dans le cadre du label.
Cet indicateur est encore en cours de collecte et consolidation pour les actifs de Covivio. On constate que ce poste doit faire l’objet d’un suivi régulier et consolidé de la part des foncières car les premiers projets pilotes montrent que ce n’est pas toujours un sujet suivi de façon systématique. Or, ce poste est significatif et obligatoire pour obtenir le label.
Principe de fonctionnement du pilier travaux raisonnés
FACILITY MANAGEMENT
Ce pilier se fonde sur plusieurs indicateurs qui reflètent l’impact de la maintenance courante du site :
Impact des déchets produits et traités : dans cette mission portant sur des immeubles de bureau, nous analyserons, au regard de la surface utile, cinq types de déchets (flux classiques – papier, cartons, métal, plastique, bois, déchets industriels banals, déchets issus de la restauration collective, déchets d’équipements électriques et électroniques, verre).
Déplacements des prestataires et consommables utilisés pour les missions de nettoyage et les opérations de maintenances.
Déplacements des prestataires gérant le gardiennage, l’accueil et la restauration collective.
Les premiers retours d’expérience des actifs de Covivio et des autres actifs de la phase pilote montrent que ce sujet n’est pas toujours bien suivi et de façon exhaustive et qu’il n’est pas aisé de récupérer les données liées aux déplacements. Son suivi est bel est bien obligatoire pour obtenir le label et il s’avère plus favorable d’obtenir des données réelles que de prendre les ratios moyens imposés en cas de données manquantes. Par exemple, pour les déchets la moyenne des données réelles est de 1kgCO2/m2 vs 4 kgCO2/m2 imposés en cas de données inexistantes.
POINTS INNOVATION
Au global, le calcul du score BBCA repose sur des points liés aux émissions évitées, au-delà des seuils max fixés sur chacun des trois premiers piliers (énergie maîtrisée, travails raisonnés, Facility management), et selon le ratio 1 kgeqCO2/m²/an évité = 5 points.
Viennent ensuite s’y ajouter les points innovations qui valorisent des bonnes pratiques additionnelles. Si l’actif obtient un score de 0 point, c’est-à-dire que seuls les seuils sont respectés, le label est validé au niveau standard. S’il obtient 20 points, le label est validé au niveau performance. Et au niveau excellence si le score final est de 40 points.
Points innovation pouvant être obtenus dans le cadre du label BBCA exploitation
Parmi les bonnes pratiques des actifs de Covivio nous retrouvons, par exemple, la proximité évidente des sites aux transports en commun (plus de trois lignes à proximité).
En conclusion, le label BBCA exploitation permet de fixer des exigences allant plus loin que les bilans carbone actuels des foncières limités à l’énergie, de valoriser des efforts globaux d’actifs exemplaires ou d’encourager des démarches d’amélioration continue.
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